Introduction : Quand la liberté de s’habiller devient un enjeu de société dans les transports
En France, la liberté d’habillement est un acquis fondamental, symbole d’émancipation et de diversité culturelle. Pourtant, dans les transports publics, cette liberté est régulièrement remise en question, entre contrôles, injonctions et polémiques sur la « décence ». La RATP, régie emblématique des transports parisiens, se retrouve souvent au cœur de débats houleux sur la frontière entre sécurité, ordre public et police des mœurs. Faut-il laisser la régie des transports juger de la justesse des tenues ? Où s’arrête la mission de service public et où commence l’ingérence dans la vie privée ? Analyse d’un sujet qui cristallise les tensions autour de la liberté, du vivre-ensemble et du pouvoir dans l’espace public.
1. Liberté d’habillement : un droit fondamental, souvent contesté
L’habillement, entre expression de soi et pression sociale
S’habiller comme on le souhaite est un droit inscrit dans la tradition républicaine française, protégé par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (liberté individuelle, respect de la vie privée). Pour de nombreuses jeunes femmes, le choix vestimentaire est un acte d’affirmation, de liberté, parfois de résistance face aux normes sociales ou familiales.
Pourtant, la réalité des transports publics est souvent plus complexe : regards insistants, remarques déplacées, contrôles ou interventions du personnel sur la « décence » des tenues. Les réseaux sociaux regorgent de témoignages de femmes sommées de « se couvrir » ou de changer de vêtement pour pouvoir voyager sereinement.
Les polémiques récurrentes
Chaque été, la presse se fait l’écho de polémiques autour de shorts, crop tops, jupes ou brassières jugés « inappropriés » dans le métro ou le bus. En 2020, l’affaire des « crop tops » à la RATP a défrayé la chronique, après que plusieurs jeunes femmes ont dénoncé des remarques sexistes de la part d’agents. La question revient régulièrement : la régie des transports doit-elle intervenir sur la tenue des usagers ? Où s’arrête la sécurité, où commence le contrôle des mœurs ?

2. Le rôle officiel de la RATP : sécurité, ordre public… ou police des mœurs ?
Les missions de la RATP et de la police des transports
La RATP, comme toute régie publique, a pour mission de garantir la sécurité, la tranquillité et le bon fonctionnement du service. Les agents de la Sûreté RATP (ou GPSR) sont habilités à intervenir en cas de trouble à l’ordre public, d’agression, de fraude ou de comportement dangereux.
Mais rien, dans les textes officiels, ne leur confère le pouvoir de juger de la « moralité » ou de la « décence » des vêtements portés par les usagers, sauf en cas d’exhibition sexuelle (définie par la loi comme un acte à caractère sexuel commis en public). La frontière est donc ténue, et laisse place à l’interprétation – voire à l’arbitraire – selon les sensibilités des agents.
Quand le contrôle dérape : témoignages et dérives
De nombreux témoignages font état de contrôles abusifs :
- Remarques sur la longueur des jupes ou des shorts
- Interdiction de monter dans un bus avec un haut jugé « trop court »
- Pressions pour « se couvrir » sous prétexte de « respect des autres usagers »
Ces interventions, souvent ciblées sur les femmes et les jeunes, sont perçues comme une atteinte à la liberté individuelle et un retour à une forme de police des mœurs, incompatible avec les valeurs républicaines.
3. Entre police des transports et police des mœurs : une frontière floue
La mission de la police des transports
La police des transports a pour vocation de lutter contre l’insécurité, la fraude, les incivilités et les actes de harcèlement. Elle joue un rôle essentiel dans la protection des usagers, notamment des femmes, souvent victimes d’agressions ou de harcèlement sexuel dans les transports.

Mais lorsqu’elle s’arroge le droit de juger de la « convenance » des tenues, elle franchit une ligne rouge : celle de la liberté individuelle et de l’égalité de traitement. Le risque est grand de tomber dans l’arbitraire, la discrimination et la stigmatisation.
Le retour de la police des mœurs ?
Historiquement, la police des mœurs désignait un corps chargé de surveiller la moralité publique, souvent au détriment des libertés individuelles. En France, cette institution a disparu, mais certains observateurs dénoncent un « retour en force » de cette logique, sous couvert de sécurité ou de « vivre-ensemble ».
Le contrôle vestimentaire dans les transports devient alors le symptôme d’un malaise plus large : peur de l’autre, crispation identitaire, tentation de la normalisation.
4. Liberté de circuler, liberté de s’habiller : un enjeu démocratique
La liberté de circuler, pilier de la République
La liberté de circuler est un droit fondamental, garanti par la Constitution. Elle implique la possibilité de se déplacer librement, sans discrimination ni entrave arbitraire. Or, le contrôle vestimentaire dans les transports publics remet en cause ce principe, en conditionnant l’accès à l’espace public à la conformité à des normes implicites.
L’impact sur les femmes et les jeunes
Les principales victimes de ces contrôles sont les jeunes femmes, souvent déjà exposées au harcèlement de rue, aux injonctions contradictoires (« sois belle mais pas trop », « couvre-toi mais reste féminine »). Ces interventions renforcent le sentiment d’insécurité, d’injustice et d’infantilisation.
De nombreuses associations féministes dénoncent une forme de sexisme institutionnel, qui fait reposer sur les femmes la responsabilité d’éviter les « problèmes » en adaptant leur tenue, plutôt que de lutter contre les comportements inappropriés.
5. La RATP, reflet des contradictions françaises ?
Entre sécurité et liberté : un équilibre difficile
La RATP se retrouve au cœur d’un dilemme : comment garantir la sécurité de tous, sans basculer dans le contrôle social ou la discrimination ? Les agents sont souvent démunis face à des situations ambiguës, sans formation spécifique sur les questions de genre, de diversité ou de respect des libertés individuelles.
La tentation du contrôle social
Dans une société marquée par les peurs (terrorisme, insécurité, tensions identitaires), la tentation est grande de multiplier les contrôles, de « normaliser » les comportements et les apparences. Mais cette logique va à l’encontre de l’esprit d’ouverture et de tolérance qui caractérise la France.
6. Mélange des genres, fin de la liberté ?
Le risque de la confusion des missions
En confiant à la RATP (ou à toute régie de transport) un rôle de juge des mœurs, on brouille la frontière entre service public et police morale. Ce mélange des genres menace la liberté de chacun et ouvre la porte à toutes les dérives.
Vers une société plus inclusive ?
Pour sortir de cette impasse, il est urgent de repenser la formation des agents, d’affirmer clairement le respect de la liberté d’habillement et de mettre l’accent sur la lutte contre le harcèlement, plutôt que sur la surveillance des tenues. De nombreuses villes, en France et en Europe, expérimentent des campagnes de sensibilisation, des dispositifs d’alerte et des espaces de dialogue pour garantir la sécurité sans sacrifier la liberté.

7. Témoignages et paroles d’experts
« J’ai été priée de descendre du bus parce que mon short était jugé trop court. J’ai eu honte, je me suis sentie humiliée », raconte Léa, 21 ans.
« La RATP doit protéger, pas juger. Ce n’est pas à eux de décider ce qu’on a le droit de porter », estime Sarah, militante féministe.
Pour le sociologue Michel Wieviorka, « la multiplication des contrôles vestimentaires traduit une crispation identitaire et une peur de la diversité, qui menace le vivre-ensemble ».
Conclusion : Ficher la paix aux jeunes et aux femmes, un impératif républicain
En France, la liberté de s’habiller et de circuler doit rester un droit inaliénable, garanti à toutes et à tous. La RATP et les régies de transports ont un rôle essentiel à jouer dans la sécurité et la protection des usagers, mais elles ne doivent pas devenir des polices des mœurs, au risque de bafouer les principes mêmes de la République.
L’enjeu, aujourd’hui, est de défendre une société inclusive, respectueuse des différences et attachée à la liberté individuelle. Cela passe par une clarification des missions, une formation adaptée des agents, et une mobilisation collective pour que les transports publics restent un espace de liberté, de diversité et de respect.
Résumé SEO :
La liberté d’habillement dans les transports publics en France est menacée par des contrôles vestimentaires jugés arbitraires, notamment à la RATP. Entre police des transports et police des mœurs, ce dossier analyse les enjeux de société, les risques pour les libertés individuelles et l’urgence de défendre le droit de circuler et de s’habiller librement, en particulier pour les jeunes femmes.