Gisèle Halimi : L’avocate qui a changé le destin des femmes

Intro­duc­tion : Gisèle Hal­i­mi, une vie de com­bats pour la jus­tice et la lib­erté

Gisèle Hal­i­mi demeure l’une des fig­ures majeures du fémin­isme et de la lutte pour les droits des femmes en France. Avo­cate, mil­i­tante, intel­lectuelle, elle a con­sacré plus de soix­ante ans à défendre les opprimé·es, à bris­er les tabous et à faire avancer la cause des femmes. De Tunis à Paris, de la défense de Djami­la Boupacha à la tri­bune du procès de Bobigny, elle a mar­qué l’histoire par son courage, sa vision et son inlass­able engage­ment. Retour sur le par­cours excep­tion­nel d’une femme qui a changé la société française et ouvert la voie à de nou­velles généra­tions de mil­i­tantes1356.

Les racines d’une révolte : enfance et voca­tion

Née en 1927 en Tunisie dans une famille mod­este, Gisèle Hal­i­mi grandit dans une société patri­ar­cale où les femmes sont soumis­es à l’autorité mas­cu­line. Très tôt, elle refuse les rôles assignés aux filles et s’indigne con­tre l’injustice. « J’ai com­pris très jeune que la loi des hommes n’était pas celle de la jus­tice », con­fiera-t-elle plus tard. Après des études bril­lantes, elle devient avo­cate à Paris, déter­minée à utilis­er le droit comme arme de libéra­tion et de trans­for­ma­tion sociale47.

L’affaire Djami­la Boupacha : défendre l’indéfendable

Dans les années 1960, Gisèle Hal­i­mi se fait con­naître en défen­dant Djami­la Boupacha, mil­i­tante algéri­enne tor­turée et accusée d’attentat. Elle dénonce publique­ment la tor­ture pra­tiquée par l’armée française pen­dant la guerre d’Algérie, s’attirant l’hostilité de nom­breux milieux poli­tiques. Son courage et sa ténac­ité font d’elle une avo­cate red­outée et respec­tée, capa­ble d’affronter les pires injus­tices et de trans­former un procès indi­vidu­el en cause poli­tique57.

Le man­i­feste des 343 : un acte fon­da­teur

En 1971, Gisèle Hal­i­mi est la seule avo­cate sig­nataire du man­i­feste des 343 femmes qui déclar­ent publique­ment avoir avorté, un acte alors réprimé par la loi française. Ce texte, pub­lié dans Le Nou­v­el Obser­va­teur, réclame le libre accès aux moyens con­tra­cep­tifs et à l’avortement. Ce geste fort mar­que l’engagement de Hal­i­mi pour les droits des femmes à dis­pos­er de leur corps et à maîtris­er leur fécon­dité. Elle fonde la même année, aux côtés de Simone de Beau­voir et de Jean Ros­tand, le mou­ve­ment fémin­iste « Choisir la cause des femmes », qu’elle présidera après la mort de Simone de Beau­voir15.

Le procès de Bobigny : une tri­bune pour la dépé­nal­i­sa­tion de l’avortement

Le procès de Bobigny, en 1972, est un moment charnière dans l’histoire du fémin­isme français. Gisèle Hal­i­mi défend Marie-Claire, une ado­les­cente de 16 ans jugée pour avoir avorté après un viol. À cette époque, l’avortement est un crime pas­si­ble de la cour d’assises, et la loi de 1920 punit sévère­ment toute femme y ayant recours. Hal­i­mi trans­forme ce procès en tri­bune poli­tique, dénonçant l’inégalité sociale du prob­lème : « C’est tou­jours la même classe, celle des femmes pau­vres, vul­nérables économique­ment et sociale­ment, cette classe des sans-argent et des sans-rela­tions qui est frap­pée »36.

Grâce à une plaidoirie magis­trale, Hal­i­mi obtient la relaxe pour Marie-Claire et ses amies, et des peines sym­bol­iques pour les autres prév­enues. Ce ver­dict, très médi­atisé, fait jurispru­dence et rend impos­si­ble, en France, de con­damn­er à nou­veau pour avorte­ment. Le procès de Bobigny ouvre la voie à la loi Veil de 1975, qui autorise l’interruption volon­taire de grossesse (IVG)1368.

Un fémin­isme inclusif et uni­versel

Gisèle Hal­i­mi développe une vision du fémin­isme qui refuse l’isolement et l’exclusion. Elle cri­tique l’universalisme répub­li­cain tra­di­tion­nel, qu’elle juge trompeur, et revendique un uni­ver­sal­isme « dou­ble », inté­grant la dual­ité des sex­es. Pour elle, le fémin­isme ne peut se con­stru­ire sans l’implication des hommes et prône la par­ité et l’insertion mas­sive des femmes en poli­tique. Elle milite aus­si pour l’égalité salar­i­ale, la crim­i­nal­i­sa­tion du viol et la lutte con­tre toutes les formes de dis­crim­i­na­tion1.

Héritage et postérité : une inspi­ra­tion pour toutes les généra­tions

Tout au long de sa vie, Gisèle Hal­i­mi n’a cessé de s’exprimer dans les médias, de pub­li­er des livres et de par­ticiper aux grands débats de société. Son franc-par­ler, sa rigueur intel­lectuelle et son refus de la com­pro­mis­sion lui valent l’admiration de plusieurs généra­tions. Elle inspire de nom­breuses jeunes femmes à s’engager, à pren­dre la parole, à ne jamais accepter l’injustice245.

Son action ne se lim­ite pas à la France : elle milite aus­si pour l’indépendance de la Tunisie et de l’Algérie, dénonce la tor­ture et les crimes de guerre, et s’engage pour l’altermondialisme et la défense des droits humains à l’échelle inter­na­tionale5.

Hom­mages et recon­nais­sance

À sa mort en 2020, de nom­breux hom­mages lui sont ren­dus, aus­si bien par les insti­tu­tions que par la société civile. Des rues et des étab­lisse­ments por­tent désor­mais son nom, et son héritage con­tin­ue d’inspirer les luttes fémin­istes con­tem­po­raines. En 2025, la Ville de Bobigny et de nom­breuses com­munes français­es lui ren­dent hom­mage, rap­pelant son rôle décisif dans la libéral­i­sa­tion de l’avortement et la crim­i­nal­i­sa­tion du viol36.

Con­clu­sion : Gisèle Hal­i­mi, une pio­nnière, un mod­èle, une légende

Gisèle Hal­i­mi restera dans l’histoire comme l’avocate qui a don­né une voix aux sans-voix, qui a fait reculer les fron­tières de l’injustice et qui a per­mis à des mil­lions de femmes de con­quérir leurs droits. Son par­cours prou­ve que le courage, la déter­mi­na­tion et la sol­i­dar­ité peu­vent chang­er le monde. Son héritage est vivant, porté par toutes celles et ceux qui pour­suiv­ent aujourd’hui le com­bat pour l’égalité, la lib­erté et la jus­tice13567.

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